En 1903, dans le village japonais Senzaki, naissait Teru Kaneko. Pendant son enfance, elle était captivée par les paysages que lui offrait son village côtier. Elle observait la mer, les pêcheurs et la nature qui la marquèrent pour toujours. Son père mourut alors qu’elle n’avait que trois ans ; plus tard, sa mère se maria avec son oncle et parti vivre avec lui, laissant Teru finir ses études à Senzaki, ce qui était rare pour une femme de son époque. Une fois qu’elle eut finit l’école, elle les rejoint dans la ville de Shimonoseki pour travailler dans la librairie de son oncle où elle cultiva son intérêt grandissant pour la littérature. À vingt ans, elle envoya quelques-uns de ses poèmes sous son nom de plume « Misuzu » à quatre magazines pour enfants de Tokyo et fut surprise de savoir qu’ils allaient tous être publiés. « Misuzu » vient du mot japonais « misuzukari » qui signifie « là où l’on cueille le bambou ». Cette plante tropicale est un symbole récurrent dans la littérature japonaise, incarnant souvent la pureté et l’innocence. En effet, ses poèmes étaient généralement écrits du point de vue d’une enfant entendant des morceaux de conversations d’adultes.
En 1926, elle épousa l’un des employés de son oncle, qui lui interdit d’écrire. Ensemble, ils eurent une fille qu’ils appelèrent Fusae. Plus tard, Misuzu attrapa la gonorrhée, son mari la lui ayant transmise par ses fréquentations régulières de maisons closes. A cette époque, il n’y avait pas encore de traitement pour cette maladie. Misuzu voulut divorcer mais son mari refusa de lui laisser la garde de leur fille. En conséquence, elle se suicida le 10 mars 1930, le jour avant qu’il n’emmène Fusae. Elle lui laissa une lettre le suppliant de laisser leur fille à la garde de sa mère. Avant sa mort, Misuzu Kaneko avait publié quatre-vingts poèmes qui furent vite oubliés jusqu’à ce que, cinquante ans plus tard, le poète et professeur de littérature Setsuo Yazaki ne décide de publier l’intégralité de ses manuscrits. Etudiant, il était tombé sur son poème « Big Catch » * qui le fascina momentanément : « At sunrise, glorious sunrise it’s a big catch! A big catch of sardines! On the beach, it’s like a festival but in the sea, they will hold funerals for the tens of thousands dead. »
Setsuo Yazaki tenta en vain d’en apprendre plus sur Misuzu mais l’unique copie qui restait de ses poèmes avait été détruite pendant la Seconde Guerre Mondiale. Six ans plus tard, en 1982, il retrouva son frère Masasuke qui lui remit ses cahiers contenant 512 poèmes dont la plupart n’avait jamais été publiés. Mais ce n’est qu’en 2011, après le tremblement de terre à Tohoku lorsque que son poème « Are You an Echo? » fut diffusé à l’occasion d’un message d’intérêt public, qu’elle ne devint véritablement l’une des poétesses pour enfants les plus connues au Japon.
Margarita A.
En partenariat avec H Comme Histoire
Comments