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Gaston Bachelard - La Psychanalyse du feu

cafelitterairedela

Dernière mise à jour : 13 déc. 2021


Que les séducteurs s’avisent de le nommer «philosophe», que ses admirateurs s’aventurent à faire précéder son nom de famille de l’honorant titre «maître», Gaston Bachelard, constamment ivre d’humilité, de bonhomie et de courtoisie répondra qu’il n’est pas philosophe, mais «professeur», et qu’on doit l’appeler «Bachelard ou Gaston», mais ô grand jamais «maître Bachelard».

Né dans une petite bourgade champenoise en 1884, d’une famille d’artisans cordonniers, Gaston Bachelard a commencé sa carrière professionnelle en étant «surnuméraire des Postes et Télégraphes», avant d’être mobilisé en août 1914, dès le début de la Première guerre mondiale. Après avoir été professeur en physique-chimie, il a posé éprouvettes graduées, blouses et flacons pour s’ouvrir académiquement aux arts de la plume. Licencié et agrégé en philosophie, une fois docteur ès lettres à la Sorbonne, il est redevenu professeur, devant un public estudiantin dijonnais puis parisien. Élu à l’Académie ses sciences morales et politiques, gratifié du Grand prix national des lettres, le savant autodidacte est mort à Paris, le 16 octobre 1962.

Dans la foulée de l’épistémologie historique initiée par Auguste Comte, Bachelard était continuellement animé par le souci de la connaissance scientifique rationnelle, faisait la promotion d’une nouvelle théorie cosmologique de la compréhension du monde et des esprits. C’est en ce sens que l’on peut lui attribuer des ouvrages respectifs sur l’air, l’eau, la terre et le feu, lequel nous intéresse ici.


Une fois son œuvre purement scientifique achevée, dans la seconde partie de sa production intellectuelle, Bachelard s’intéressa à la fibre poétique, romantique et passionnelle, sensitive qui est insinuée dans la psycho-physiologie des individus. Dans une certaine mesure, avec un prisme hellénistique car annexé à la Nature, à la cosmologie, Bachelard a voulu représenter les spécificités des aspirations humaines comme des unités appartenant à une classification élémentaire.


Achevé le 11 décembre 1937, La psychanalyse du feu se propose, de façon novatrice, pour ne pas dire hétérodoxe, d’appréhender le feu comme un «être social» plutôt qu’un «être naturel», en opérant une interprétation psychanalytique de l’élément incandescent. En sept chapitres d’un ouvrage clair et compendieux, d’environ 180 pages, Bachelard invoque Prométhée volant le feu olympien, Empédocle se jetant dans l’Etna, Novalis, le feu «sexualisé» ou encore l’alcool, pour conduire sa réflexion. Selon l’auteur, le feu est à la fois «intime» et «universel», car il séduit les individualités isolés devant lui, et regroupe autour de lui le collectif. Le feu, poursuit-il, coalise, concentre une dichotomie que l’on croyait insurpassable, par l’effet d’une prouesse en conséquence de laquelle il réunit «le bien et le mal dit-il, et brille au Paradis, brûle à l’Enfer». Le feu, élément fascinant qui hypnotise le contemplateur, rassemble les pairs, réconforte l’attristé dont les nuages de larmes se dissipent au contact de la chaleur émise par cet être attirant, comme un vide matérialisé par un spectre intouchable car dangereux, le feu est une beauté fatale, cruelle mais douce pour qui la consomme précautionneusement. Cet élément est ici abordé dans sa dimension mystique, mythologique, sociale voire spirituelle, dont l’interprétation nécessite le recours logique à la contradiction et au décloisonnement conceptuel, précisément car il abrite en son ardeur une kyrielle de fils historiques, de sensations plurielles et d’émotions fluctuantes. Tout un imaginaire, un fantasme universels sont en orbite autour du feu, et Bachelard creuse gaiement le sujet.


Dans cet ouvrage décomplexé et mémorablement touchant à l’avant-propos ironique, témoignant d’une modestie remarquable et trop rare pour qu’elle ne soit pas ici soulignée, le lecteur sera confronté à une tentative de psychanalyse de la connaissance objective, renversant les prénotions et les idées reçues sur le feu, tout en étant bercé par un auteur à la sérénité communicante, et la chaleur humaine s’affranchissant du papier des pages.




Esteban M.


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