Les romans les plus connus des Rougon-Macquart sont sans doute Germinal, L’assommoir ou Au bonheur des dames. Constitué de 20 tomes, La Fortune des Rougon paru en 1871 est le premier livre du cycle. Pour Zola, il constitue l’œuvre des origines, l’introduction aux 19 romans suivants.
L’histoire se déroule dans la ville imaginaire de Plassans – qui reprendrait les plans d’Aix-en-Provence où l’auteur a vécu – où réside Adélaïde Fouque qui engendrera les deux branches éponymes : les Rougon puis les Macquart, provenant de deux géniteurs différents. Le personnage d’Adélaïde est atypique. L’auteur insiste sur son instabilité mentale, qui se répercutera dans sa progéniture et donnera une famille génétiquement viciée.
Elle se mariera avec un Rougon de qui elle aura un enfant avant de devenir veuve. C’est grâce à cet enfant légitime et à un contexte politique favorable que la branche des Rougon pourra gravir les échelons. Cette branche porte le gène de l’appât du gain et de l’appel du pouvoir.
La seconde branche naît du concubinage entre Adélaïde et un Macquart, contrebandier, alcoolique et violent. Antoine, fils de cette relation, incarnera la violence et l’alcoolémie qui caractérisera sa lignée. Ursule, qui prend le nom de Mouret par le mariage, verra sa descendance marquée par l’hystérie.
En plus de ces familles, le lecteur pourra découvrir autre chose : le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851. Le roman se situe au cœur d’un contexte politique tendu qui ébranlera jusqu’à cette ville imaginaire. De l’incursion des résistants à la victoire du parti napoléonien, il ne faut pas s’attendre à un roman sans violence. Les personnages incarneront autant la résistance que le parti du futur empereur. Les Rougon profiteront de la panique engendrée par le coup d’Etat pour prendre le pouvoir à Plassans et placer leurs enfants dans des positions confortables vis-à-vis du nouveau gouvernement. La fille d’Ursule, représentant la branche des Mouret, donnera sa vie à la résistance, endiguée par l’amour porté à un jeune braconnier. Ce passage, cette résistance d’une famille condamnée à rester dans la pauvreté, est peut-être l’action la plus émouvante du roman, celui pour lequel le livre vaut d’être lu.
Ce premier livre constitue les origines du cycle des Rougon-Macquart. Bien sûr, les autres ouvrages peuvent être lus indépendamment de celui-ci. Mais le lecteur ne saurait comprendre la complexité des origines des Rougon et des Macquart sans avoir été avisé du contenu de cet ouvrage. Il donne tout son sens à l’œuvre de Zola ; permet de comprendre d’où viennent les familles, de voir où elles arrivent et quels sont les efforts qu’elles ont faits pour s’extirper de leurs conditions. Car le cycle des Rougon-Macquart, c’est avant tout cette question de fatalité de l’existence. L’objectif, parallèle à la Comédie humaine de Balzac, est de décrire tous les pans de la société française du XIXe siècle :
« Je ne compte point me renfermer dans l’horreur, [...] je sens devant moi un ensemble d’œuvres vraies dans lesquelles je montrerai les fatalités de la vie, les fatalités des tempéraments et des milieux. »[1]
Choix du Café Littéraire de la Sorbonne : outre l’ouvrage librement accessible (sur Gallica et divers sites proposant les fichiers PDF et Epub de l’ouvrage), l’édition parue en 2004 chez Le Livre de Poche préfacé et annoté par Colette Becker offrira un bon complément pour le lecteur soucieux de remettre l’histoire dans son contexte historique.
[1] Zola, lettre à Sainte-Beuve comme Taine, 23 janvier 1868
Louise D.
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