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Blacksad, tome 6 – Alors, tout tombe, partie 1

cafelitterairedela

Huit ans… Ça faisait huit ans, quand même, que Blacksad ne s’était pas

manifesté. Le chat détective éponyme de Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido, en seulement cinq aventures brillantes de prouesses graphiques et narratives, a tout de même laissé une empreinte indélébile dans le genre du thriller dessiné. Une absence d’autant plus douloureuse que le dernier tome de la série laissait franchement à désirer. Et peu sinon pas de nouvelles du côté de Díaz Canales ou de Guarnido sur leur héros depuis. Comme si, à l’image de sa dernière virée sur les routes américaines, le chat détective avait pris l’air.

Une disparition en demi-teinte pour un héros si emblématique, ça ne s’invente pas. Lorsque c’est pour faire son retour en grande pompe sur la promesse d’un diptyque, la surprise est de taille. Un projet conséquent pour accompagner la renaissance d’une des BD les plus populaires de ces deux dernières décennies… Une nouvelle que l’on a de quoi accueillir avec autant d’enthousiasme que de réserve. Plutôt honteux, mais c’est comme ça.


Fort heureusement, huit ans d’absence, cela signifie également huit ans de rodage pour le duo aux commandes d’Alors, tout tombe. Aquarelles encore quelque peu brouillonnes par endroits de la part de Guarnido, son traitement graphique ne s’en est pas moins nettement amélioré. Tout en mélange subtil de couleurs chaudes et froides, ses paysages urbains se teintent d’une atmosphère automnale tamisée, ponctuée de panoramas impressionnants. On avait déjà observé son sens du détail se développer dans ses planches des Indes fourbes. Cette nouvelle incursion dans Blacksad offre son lot de bains de foule au cours de scènes dans le métro et les réceptions gratinées de New-York ou au cours de représentations de théâtre en plein air. Des séquences où fourmillent une multitude d’espèces animales, reflet d’un cosmopolitisme dans lequel l’œil averti se plaît à naviguer.


Graphiquement parlant, il n’en faut pas moins pour soutenir une intrigue fleurant bon le Blacksad des premiers tomes. Un retour aux sources bienvenu pour Canales, dont on ne souhaitait qu’oublier l’incursion ratée dans le road movie que fut Amarillo, cinquième aventure du détective – que l’on peut lui pardonner, si l’on choisit d’y voir sa porte d’entrée vers les voyages de Corto Maltese, qu’il a scénarisés ces six dernières années. Alors, tout tombe offre à son détective une nouvelle mission au cœur des bas-fonds et des rues qui lui réussissent si bien, agrémentée de sombres affaires de réforme des transports publics, de mafia syndicale, de vers shakespeariens et d’imposants chantiers routiers. Largement inspirée de faits réels – on reconnaît aisément Robert Moses, magnat de l’immobilier new-yorkais, dans les traits du « maître-bâtisseur » mis en scène par Canales –, la nouvelle aventure de Blacksad n’en conserve pas moins son aura sombre et délétère, criante de vérités inavouées. « La solidarité et l’espoir fleurissent au sein de la pauvreté et se nourrissent de la misère. Une fois que l’abondance revient, ils se fanent » nous rappelle le détective.


Intrigues et complots en perspective pour le récit d’un grand projet d’aménagement autoroutier au cœur même de Manhattan. Blacksad et son ami Weekly s’y fondent, l’un au fin fond des chantiers de métro, l’autre frôlant les nuages en compagnie du maître-bâtisseur Solomon pour un reportage d’envergure. Intrigues réunies par un festival de théâtre menacé par l’urbanisation new-yorkaise. Canales et Guarnido auraient voulu inviter Zola en Amérique, ils ne s’y seraient pas pris autrement. Les rues de la Grande Pomme transpirent de naturalisme, par un traitement graphique soigné et un scénario fourmillant, où se télescopent toutes les classes sociales. Diptyque oblige, cette première partie souffre de quelques zones d’ombres et d’interconnexions approximatives. Pas de panique ! les créateurs nous en ont promis la suite d’ici l’an prochain. Presque une torture nonobstant, pour nos nerfs déjà mis à l’épreuve par huit ans d’attente… Premier constat pourtant : il était visiblement inutile de s’inquiéter pour le retour du chat le plus badass du neuvième art !


Lothaire Berthier


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